Tout l’été, Vélo 101 célèbre les anniversaires : les 20 ans de l’Etape du Tour, la 50ème édition du Tour de l’Avenir, la 100ème édition du Tour de France, les 20 ans des Championnats du Monde de VTT à Métabief, la 30ème édition du Roc d’Azur…
Stéphane, vous étiez le coordinateur des Championnats du Monde de Métabief en septembre 1993, comment vous étiez-vous retrouvé à la tête de cet événement ?
Je voulais vraiment organiser ces Championnats du Monde que j’avais participé à faire venir en France en tant que responsable de la Commission Internationale de VTT (CIVTT) au sein de l’UCI. Mon rôle en tant qu’initiateur du VTT en France rendait mon choix assez logique de la part de la FFC. J’ai abandonné ma casquette de président de la CNVTT pour devenir Directeur du Comité d’Organisation des Championnats du Monde de Métabief.
Métabief avait été choisi par la FFC, quel a été votre sentiment premier quand vous êtes arrivé dans ce tout petit village qui allait accueillir un tel événement ?
Ce n’était évidemment pas mon choix et j’ai été un peu inquiet, tout comme les responsables de la station. Ce choix était un choix de politique interne au sein de la FFC.
Comment les choses se sont-elles mises en place entre la FFC, votre équipe et les locaux ?
J’ai recruté Bernadette Aguiléra, en juin 1992 je crois, pour être mon assistante et la seule permanente au sein de la Fédération Française de Cyclisme. Je n’ai été à plein temps à la FFC qu’à partir de juin 1993. Bernadette puis le petit noyau qui s’est constitué ont fait un travail remarquable. Les responsables de la station de Métabief, Gaby Maire en tête, se sont bien coordonnés avec les responsables du Tourisme du Jura et de Franche-Comté, qui étaient partenaires. Le président du Comité Régional de la FFC Franche-Comté devait assurer la liaison entre l’organisation et le milieu cycliste régional, ce qui ne s’est pas fait très simplement.
Le site de Métabief était encore méconnu, y a-t-il eu des moments de doute dans le montage de l’événement ?
Il y a eu des difficultés qui ont été résolues par la bonne volonté des uns et des autres et grâce à l’accueil et la gentillesse des gens de Métabief et particulièrement de Gaby Maire. Si je me souviens bien nous avions déjà organisé une manche de Championnat de France à Métabief et une aux Rousses. Je vous rappelle qu’à l’époque nous en étions au 4ème Championnat de France et qu’il n’y avait pas de Coupe de France. Nous avions tous une expérience très limitée mais beaucoup d’enthousiasme.
Les capacités d’accueil étaient limitées, beaucoup de pilotes étaient hébergés en Suisse, quels ont été les postes « criants » au plan des difficultés ?
Les capacités d’accueil étaient bien évidemment le point noir avec l’impossibilité d’accueillir ne serait-ce que les équipes de coureurs ou même les officiels et les journalistes. L’Office de Tourisme a fait des miracles, les participants et les spectateurs en ont fait énormément et ne se sont pas découragés. Si nous avions imaginé à l’avance qu’autant de monde viendrait nous aurions été vraiment paniqués car il n’y avait pas de solution globale au manque de capacités d’accueil, uniquement des solutions individuelles et du bricolage. L’autre point noir concernait la circulation et les parkings secteur pour lequel nous avons vraiment souffert car personne ne pouvait prévoir les capacités d’accueil nécessaires et le personnel indispensable.
La météo avait été capricieuse, notamment le vendredi pour les Juniors féminines en XC, quels souvenirs en gardez-vous ?
Un très mauvais souvenir, avec beaucoup de difficultés pour les jeunes athlètes mais aussi pour les bénévoles tout au long du parcours. La météo nous a même montré les limites du parcours et sur l’insistance de Patrice Drouin, Commissaire International de l’UCI, et de François Scavini, Directeur Sportif, il a été décidé de modifier le parcours. Je n’en étais pas content car cela compliquait encore l’organisation mais ils ont eu raison.
Il fallait être au four et au moulin sur un tel événement, comment avez-vous vécu cette partie improvisation ?
Je me souviens très bien avoir déplacé des barrières de chantier pour résoudre les problèmes de circulation alors que le flux de véhicules s’accentuait d’heure en heure. La météo difficile et une mauvaise liaison avec les bénévoles locaux n’a pas facilité les choses. Ce n’est pas la partie la plus agréable et cela m’est arrivé de revivre par la pensée ce genre de moments dans des périodes de stress.
Aviez-vous le temps de suivre le côté sportif une fois l’événement lancé ?
Je n’ai presqu’aucun souvenir de la partie sportive car l’équipe de François Scavini s’en occupait. Il fallait résoudre les problèmes d’organisation minute par minute. Mon seul souvenir extraordinaire est d’avoir survolé la piste de descente en hélicoptère alors qu’une foule immense y était amassée. Il y avait plus de monde que pour la descente des Jeux Olympiques d’hiver à Val d’Isère l’année précédente !
Le dimanche, ça avait été l’apothéose avec la descente en effet, et les 100 000 spectateurs annoncés, quels sont les flashs que vous en gardez ?
Beaucoup de bonheur et de soulagement du fait d’une météo clémente, d’une foule énorme et de l’absence d’accident sérieux.
Cette descente avait vu pour la première fois Eurosport retransmettre du VTT à la télé, avec l’antenne rendue alors qu’il restait un pilote à passer, Mike King, qui allait devenir champion du monde ce jour-là…
Le problème de la télévision n’était pas de mon ressort mais celui d’ISL, l’agence de la Fédération. Nous n’attendions pas de résultat exceptionnel en matière de télévision. Il faut se souvenir que Stade 2 avait refusé de donner des garanties de couverture du Championnat et qu’ils ont appelé la veille de la descente (devant le succès annoncé) pour se raccrocher à l’événement. C’était une époque où le VTT n’existait pas dans les médias et qu’il était en plus rejeté par le monde du cyclisme traditionnel.
Avec le recul, quel bilan tirez-vous de cette expérience ?
Une expérience assez extraordinaire, très excitante et un peu décevante à la fois. J’ai appris aussi beaucoup de choses sur moi-même. En lançant le Mountain Bike en France en 1983 j’étais persuadé du succès de ce sport et j’en avais une certaine vision. J’avais décidé en 1992 de cesser mes activités VTT après le Championnat du Monde. A l’issue du Championnat de Métabief j’ai eu le sentiment que mon parcours avait été plutôt réussi. La partie décevante concerne essentiellement mes relations avec les responsables de la FFC qui, hormis Daniel Baal, très impliqué, n’ont pas toujours joué le jeu du VTT.
Métabief a accueilli les Championnats d’Europe en 1994, puis les Championnats de France en 1996, avec à chaque fois des réussites. 1993 n’était-il pas trop tôt, trop improvisé ?
Je pense sincèrement que le souvenir laissé par les Championnats du Monde de Métabief est incomparable à ceux laissés par les manifestations suivantes. Avec des moyens réduits et peu d’expérience de manifestations mondiales, nous avons réalisé un événement qui restera dans les mémoires de tous ceux qui y ont participé. Coureurs, spectateurs et organisateurs. Mais je ne suis peut-être pas totalement impartial ! Et ce résultat n’est pas lié à l’improvisation mais au travail accompli, au dévouement de beaucoup de bénévoles et à la ferveur incroyable du public présent.
Diriez-vous que ces Championnats du Monde ont véritablement lancé le VTT en France et en Europe ?
Je crois que c’est l’un des événements qui a vraiment fait décoller le VTT en Europe. Il a fait rêver le public et imposé la discipline au milieu du cyclisme. La fédération et les médias n’ont plus pu le négliger.
C’est lors des Championnats du Monde à Métabief que le VTT a été officiellement admis aux JO (à compter de 1996 en cross-country), c’était un autre cap marquant et une autre réussite de ces Mondiaux ?
Peut-être, mais je ne le revendique pas. Je viens du Mountain Bike, j’aime les sports de glisse et l’esprit des sports d’aventure sans assistance. J’aime beaucoup la randonnée VTT en montagne que je pratique un peu. L’idée que le VTT soit un sport olympique ne m’a jamais séduit et le voir à la télévision ne m’excite pas. Pour moi l’idéal olympique réside dans les grands disciplines traditionnelles et non dans les épreuves « nouvelles disciplines ». Je respecte infiniment nos champions de VTT, que j’ai connus presque bébés, mais pour moi le VTT ne sera jamais plus beau que sous sa version sauvage.