Un changement de leader in extremis, un podium encore très indécis au matin de la dernière étape, des écarts parmi les plus serrés de l’Histoire du Giro, pour sa 100ème édition, le Tour d’Italie ne pouvait sans doute pas rêver plus beau scénario. Certes, le cyclisme italien aura été moins en réussite que d’ordinaire, avec une seule victoire d’étape – Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida) à Bormio – et une 3ème place au mieux au classement général – Nibali encore. Mais le dénouement, même prévisible, avait de quoi retenir l’attention des suiveurs jusque dans les toutes dernières secondes et l’arrivée sur la Piazza del Duomo d’un Maillot Rose qui n’en était déjà plus détenteur. Une destitution au dernier jour de course déjà vécue en 1984 par Laurent Fignon (au profit de Francesco Moser) et 2012 par Joaquim Rodriguez (en faveur de Ryder Hesjedal).
Celle-ci était annoncée car avec seulement 53 secondes d’avance sur Tom Dumoulin (Team Sunweb) à l’amorce des 29,3 kilomètres ultra roulants qui reliaient l’autodrome de Monza au cœur de Milan, Nairo Quintana (Movistar Team) se savait sur un siège éjectable. Et le maillot rose qu’il défendait ne lui aura pas donné davantage d’ailes que dans la montagne, quand le Colombien s’était montré moins saillant que par le passé tandis que le rouleur néerlandais faisait preuve de beaucoup plus de ténacité. 6ème de la Vuelta 2015 quand, leader du classement général à quarante-huit heures de Madrid, il avait fini par craquer dans l’ultime étape de montagne, Tom Dumoulin a clairement franchi un nouveau palier durant ce Giro, lâchant parfois du lest aux meilleurs grimpeurs que lui mais ne baissant jamais les bras.
A tel point que s’il n’avait été retardé par un besoin urgent au pied du Stelvio mardi dernier, ce qui lui a coûté deux minutes, il aurait abordé l’ultime exercice dans une position bien plus confortable encore. Car même si 53 secondes pouvaient paraître une broutille pour un rouleur de sa trempe, il fallait tout de même aller les chercher au tout dernier jour d’un Giro ardu.
Pour une nouvelle victoire d’étape, il lui aura manqué 15 secondes à Milan face à son compatriote Jos Van Emden (Team LottoNL-Jumbo), vainqueur à 53,058 km/h de moyenne. Mais pour la victoire finale, sa dernière prestation aura suffi puisqu’elle lui permet de repousser Vincenzo Nibali de 54 secondes, Nairo Quintana de 1’24 » et Thibaut Pinot (FDJ) de 1’42 », soit bien plus que ce qu’il avait à reprendre aux trois coureurs qui le précédaient au classement général à la sortie de la montagne. Une performance qui donne donc la victoire finale à Tom Dumoulin, 31 secondes devant Nairo Quintana, 40 secondes devant Vincenzo Nibali (ça vous situe un champion), tandis que Thibaut Pinot échoue finalement dans sa quête de podium, 4ème à 1’17 » de Tom Dumoulin.
« Tout le monde m’a félicité à ma descente de vélo, mais j’étais encore très anxieux alors que la télévision n’annonçait que quelques secondes de différence entre moi et Nairo Quintana, racontait ensuite le vanqueur du 100ème Tour d’Italie. J’ai vécu le moment le plus nerveux de toute ma vie. Vous n’êtes jamais sûr de gagner, vous doutez toujours. J’ai passé une bonne nuit compte tenu du stess que générait ce contre-la-montre final. Puis la tension est montée mais je suis resté concentré. J’avais déjà fait des chronos sous pression et cette expérience a payé. »
Devenu le premier coureur néerlandais à gagner le Giro, Tom Dumoulin a savouré le nouveau cap franchi à seulement 26 ans. Sur les pas de Miguel Indurain ou Bradley Wiggins, d’autres rouleurs ayant su dompter les cimes avant lui. « Je ne veux pas me comparer à eux, mais je ne suis pas le premier rouleur à bien se comporter en montagne. Je n’ai jamais été un mauvais grimpeur, j’ai toujours eu ça en moi. J’ai beaucoup travaillé à Tenerife et en Sierra Nevada, et j’ai aussi travaillé sur mon mental. Sans avoir perdu beaucoup de poids, 2 kg peut-être depuis trois ans, j’accepte davantage la souffrance désormais. Cette victoire au Giro ne va pas changer ma vie, j’espère rester le même, même si j’en veux déjà plus pour le futur. »
Classement 21ème étape :
1. Jos Van Emden (PBS, Team LottoNL-Jumbo) les 29,3 km en 33’08 » (53,1 km/h)
2. Tom Dumoulin (PBS, Team Sunweb) à 15 sec.
3. Manuel Quinziato (ITA, BMC Racing Team) à 27 sec.
4. Vasil Kiryienka (BLR, Team Sky) à 31 sec.
5. Joey Rosskopf (USA, BMC Racing Team) à 35 sec.
6. Jan Barta (TCH, Bora-Hansgrohe) à 39 sec.
7. Georg Preidler (AUT, Team Sunweb) à 51 sec.
8. Bob Jungels (LUX, Quick-Step Floors) à 54 sec.
9. Jan Tratnik (SLO, CCC Sprandi Polkowice) à 57 sec.
10. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 1’02 »
Classement général final :
1. Tom Dumoulin (PBS, Team Sunweb) en 90h34’54 »
2. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 31 sec.
3. Vincenzo Nibali (ITA, Bahrain-Merida) à 40 sec.
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) à 1’17 »
5. Ilnur Zakarin (RUS, Katusha-Alpecin) à 1’56 »
6. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 3’11 »
7. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) à 3’41 »
8. Bob Jungels (LUX, Quick-Step Floors) à 7’04 »
9. Adam Yates (GBR, Orica-Scott) à 8’10 »
10. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Drapac) à 15’17 »