Avec cinq étapes de montagne et un contre-la-montre individuel en dernière semaine du 100ème Tour d’Italie, il restait encore bien assez de terrain pour rebattre les cartes distribuées au cours des deux premières semaines de course. Il n’en a suffi que d’une pour pratiquement remettre sur un pied d’égalité les deux principaux acteurs de ce Giro, Tom Dumoulin (Team Sunweb) et Nairo Quintana (Movistar Team). Jusqu’alors, le rouleur néerlandais s’était bâti un joli petit empire, et il s’attaquait au plat de résistance de la course rose doté de 2’47 » d’avance sur le grimpeur colombien. Ce soir, après le premier contact avec la très haute montagne – on atteignait la Cima Coppi à 2758 mètres d’altitude –, il ne lui en reste plus que 31.
Il faut dire que le menu, vingt-quatre heures après la troisième et dernière journée de repos, était copieux. 222 kilomètres de Rovetta à Bormio, et pas moins de trois ascensions mythiques : le Mortirolo par son versant sud (12,6 km à 7,6 %) puis deux ascensions du Stelvio, par Bormio (21,7 km à 7,1 %) puis par la Suisse (13,4 km à 8,4 %). Du dénivelé à n’en plus pouvoir, et largement de quoi friser l’indigestion. Ce qu’allait précisément vivre Tom Dumoulin, gagné dans la seconde escalade du Stelvio par de gros ennuis gastriques.
On avait déjà franchi les deux premières difficultés du triptyque quand la course, jusqu’alors relativement monotone, prenait une tournure inattendue. Ce matin, les interrogations se portaient avant tout sur la faculté du leader du classement général à franchir les plus hautes cimes du Giro, maintenant qu’elles se présentaient à lui. Mais des intestins dérangés allaient priver les observateurs de vrais enseignements. Car à 30 kilomètres de l’arrivée, tandis que la course attaquait la remontée du Stelvio, Tom Dumoulin se garait subitement sur le côté droit pour se jeter dans un pré et répondre à un appel de la nature pour le moins mal venu…
L’affaire faite, Tom Dumoulin se remettait en selle pour chasser un maigre peloton dont il reprenait un à un chacun des éléments distancés. Mais le plus dangereux de la troupe, s’il temporisait un temps, finissait par engager le combat. Sur les flancs maculés de neige, Vincenzo Nibali (Bahrain-Merida), Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale), Nairo Quintana (Movistar Team) et Ilnur Zakarin (Katusha-Alpecin) se projetaient devant pour menacer le dernier rescapé d’une importante échappée matinale, l’Espagnol Mikel Landa (Team Sky).
Compte tenu des circonstances, le Maillot Rose réalisait une course honorable. A 20 kilomètres de l’arrivée, il basculait au sommet du Stelvio avec un retard de 2’22 » sur Landa, un peu moins donc sur le quatuor sorti sur les hauteurs du col dolomitique. La descente n’allait pas permettre d’aggraver les différences, et c’est avec 2’17 » de retard sur le vainqueur de l’étape (2’05 » sur Nairo Quintana) que Tom Dumoulin franchissait la ligne d’arrivée. Pour préserver un maillot rose qui ne tient plus ce soir qu’à 31 secondes sur Nairo Quintana.
Pourtant, c’en est un autre dont il faudra se méfier en cette troisième semaine ô combien décisive. Et si Vincenzo Nibali nous refaisait le coup de 2016 ? Le Sicilien, tenant du titre, aura été le seul à parvenir à rejoindre Mikel Landa dans une descente de toute beauté. Lacets après lacets, les deux hommes auront progressivement échappé au champ de vision de Nairo Quintana pour se présenter sur la ligne 12 secondes avant le Colombien. Des secondes auxquelles Vincenzo Nibali ajoute les 10 de bonification remises au vainqueur de l’étape, victoire qu’il aura pris un malin plaisir à contester à Mikel Landa. Pour devenir le premier Italien vainqueur sur ce 100ème Giro. Et surtout remonter à la 3ème place du classement général à désormais 1’12 » de Tom Dumoulin. Il était à 3’40 » ce matin…
Demain mercredi, la dix-septième étape reliera Tirano à Canazei (219 km).
Classement 16ème étape :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Bahrain-Merida) les 222 km en 6h24’22 » (34,7 km/h)
2. Mikel Landa (ESP, Team Sky) m.t.
3. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 12 sec.
4. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 24 sec.
5. Ilnur Zakarin (RUS, Katusha-Alpecin) à 32 sec.
6. Davide Formolo (ITA, Cannondale-Drapac) à 1’26 »
7. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) à 1’35 »
8. Bob Jungels (LUX, Quick-Step Floors) m.t.
9. Adam Yates (GBR, Orica-Scott) m.t.
10. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) m.t.
Classement général :
1. Tom Dumoulin (PBS, Team Sunweb) en 70h14’48 »
2. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 31 sec.
3. Vincenzo Nibali (ITA, Bahrain-Merida) à 1’12 »
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) à 2’38 »
5. Ilnur Zakarin (RUS, Katusha-Alpecin) à 2’40 »
6. Domenico Pozzovivo (ITA, AG2r La Mondiale) à 3’05 »
7. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) à 3’49 »
8. Bob Jungels (LUX, Quick-Step Floors) à 4’35 »
9. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 6’20 »
10. Adam Yates (GBR, Orica-Scott) à 7’00 »