Ce devait être une simple transition. La conclusion d’une semaine 100 % andalouse marquée hier par le premier sommet de la 70ème édition du Tour d’Espagne, et le retour le long du rivage méditerranéen du côté cette fois de la communauté autonome de Murcie. Ce devait être une agréable transhumance vers des terrains plus proches du niveau de la mer et de nouveau favorables aux sprinteurs. En attendant la grande bataille des montagnards repoussée à jeudi prochain et l’étape pyrénéenne vers Andorre. Mais il n’existe pas, sur un Grand Tour, de journée off où il est permis de baisser la garde. Et cette huitième étape tracée en profil descendant entre Puebla de Don Fadrique et Murcie (182,5 km) sera lourde de stigmates. Cet après-midi, elle a laissé sur le carreau deux favoris et deux sprinteurs très attendus.
On était à 50 kilomètres de l’arrivée. Le peloton venait d’entrer dans Murcie, et il s’apprêtait à boucler deux fois un circuit final pimenté par la Cresta del Gallo, une côte de 4,2 kilomètres à 7,5 %. Devant, six hommes occupaient la tête de course depuis déjà une centaine de kilomètres, parvenus à former au kilomètre 35, et après un départ nerveux, l’échappée du jour. Elle était constituée de Jimmy Engoulvent (Team Europcar) et Iljo Keisse (Etixx-Quick Step), qui n’en sont plus à leur coup d’essai sur cette Vuelta, mais aussi de Jasper De Buyst (Lotto-Soudal), Alex Howes (Cannondale-Garmin), Angel Madrazo (Caja Rural-Seguros RGA) et Tom Van Asbroeck (Team LottoNL-Jumbo). Déjà, on savait que les six de tête n’iraient pas au bout, leur avance montée un temps à 4’30 » ayant été ramenée à 50 kilomètres du but sous la barre des deux minutes. Elle continuait de décroître au moment où le peloton s’empila brusquement.
C’était déjà tombé dur dimanche dernier, mais cette nouvelle chute dans les artères de Murcie bordées de palmiers a fait bien plus mal encore. Très vite, on comprend que tous les coureurs au sol ne repartiront pas. Il y a là notamment deux favoris, à commencer par Daniel Martin (Cannondale-Garmin). L’Irlandais, 3ème du classement général et parmi les plus convaincants depuis une semaine, ignorait jusqu’où il serait capable d’aller dans sa quête d’une place au classement général. On ne le saura jamais. Il doit quitter la course, blessé. Tout comme Tejay Van Garderen (BMC Racing Team), qui comptait racheter son abandon du Tour de France à l’entrée dans les Alpes quand il occupait encore une place sur le podium provisoire. L’Américain, qui s’est fracturé l’épaule, conclut sa course étendu à l’ombre d’un maudit palmier.
Peter Sagan, accroché par une moto, est privé d’une chance en or de l’emporter.
A le voir au sol lui aussi, on a peine à croire que Nacer Bouhanni (Cofidis) n’était quasiment jamais tombé il y a de cela quelques semaines. Une chute au Championnat de France qui le prive du titre dans la dernière ligne droite, une autre au Tour de France qui le précipite à la maison, et encore des gamelles au départ de la Vuelta qui l’ont diminué toute la semaine. Le bras gauche encore bandé, il est lui aussi impliqué dans ce nouveau chaos et doit quitter la course prématurément. Comme Kris Boeckmans (Lotto-Soudal), un autre sprinteur qui manquera à l’appel à Murcie lorsque le peloton s’y représentera 50 kilomètres plus tard. Le sprint, pourtant, n’avait plus été une certitude dès l’instant où les échappés s’étaient fait ravaler et que le feu avait été mis aux poudres dans la seconde escalade de la Cresta del Gallo, à 18 kilomètres du but.
Là, sept coureurs venaient de lancer un nouveau coup : Brambilla (Etixx-Quick Step), Durasek (Lampre-Merida), Elissonde (FDJ), Gonçalves (Caja Rural-Seguros RGA), Henao (Team Sky), Losada (Team Katusha) et Rojas (Movistar Team). Ils plongeaient dans une descente rapide et technique une dizaine de secondes devant un peloton duquel s’extirpait bientôt Luis-Leon Sanchez (Astana), ce qui invitait Alejandro Valverde (Movistar Team), Joaquim Rodriguez (Team Katusha) et l’épatant Maillot Rouge Esteban Chaves (Orica-GreenEdge) à exploiter ce terrain descendant à leur tour pour fondre sur les échappés. Mais au bas de la descente les autres favoris rappliquaient et bientôt c’est tout le peloton – une cinquantaine de coureurs en fait – qui se massait aux avant-postes, à la poursuite des trois derniers coureurs à insister encore jusqu’à 3,5 kilomètres de l’arrivée : Kenny Elissonde, José Gonçalves et Alberto Losada.
Il y aurait donc bien sprint à Murcie. Mais sans Bouhanni accidenté, sans Degenkolb distancé… et sans Peter Sagan (Tinkoff-Saxo), accroché par une moto à 9 kilomètres de l’arrivée et privé d’une chance en or de s’adjuger une nouvelle étape. Au terme de cette étape chaotique, il fallait tout de même bien un vainqueur. Le malheur des autres aura fait le bonheur d’un homme, le Belge Jasper Stuyven (Trek Factory Racing), qu’on savait rapide – sept fois dans le Top 10 au Tour d’Espagne 2014 – sans qu’on ne l’ait jamais vu encore lever les bras depuis ses débuts pros l’an passé. Au bout de cette folle étape, c’est lui qui l’emporte au sprint devant Peio Bilbao (Caja Rural-Seguros RGA) et le Français Kevin Reza (FDJ). Esteban Chaves, lui, défend à merveille son maillot rouge de leader qu’il conserve une journée supplémentaire.
Demain dimanche, la neuvième étape s’adressera à nouveau aux puncheurs entre Torrevieja et Cumbres del Sol (168,3 km), une escalade finale de 4,1 km à 8,9 %.
Classement 8ème étape :
1. Jasper Stuyven (BEL, Trek Factory Racing) les 182,5 km en 4h06’05 » (44,5 km/h)
2. Peio Bilbao (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) m.t.
3. Kévin Reza (FRA, FDJ) m.t.
4. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) m.t.
5. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) m.t.
6. Tosh Van Der Sande (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
7. Julien Simon (FRA, Cofidis) m.t.
8. Pieter Serry (BEL, Etixx-Quick Step) m.t.
9. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) m.t.
10. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) m.t.
Classement général :
1. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) en 31h12’18 »
2. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 10 sec.
3. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) à 36 sec.
4. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 49 sec.
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 56 sec.
6. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 57 sec.
7. Fabio Aru (ITA, Astana) m.t.
8. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 1’18 »
9. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 1’19 »
10. Mikel Nieve (ESP, Team Sky) à 1’21 »
Classement par points :
1. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 70 pt
2. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 61 pt
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) 61 pt
4. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 48 pt
5. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 42 pt
6. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 37 pt
7. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) 36 pt
8. Jasper Stuyven (BEL, Trek Factory Racing) 33 pt
9. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) 32 pt
10. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) 32 pt
Classement de la montagne :
1. Omar Fraile (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 13 pt
2. Bert-Jan Lindeman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 13 pt
3. Walter Pedraza (COL, Colombia) 7 pt
4. Natnael Berhane (ERY, MTN-Qhubeka) 7 pt
5. Ilia Koshevoy (BLR, Lampre-Merida) 7 pt
6. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 6 pt
7. Fabio Aru (ITA, Astana) 4 pt
8. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 4 pt
9. Amets Txurruka (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 4 pt
10. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 3 pt
Classement du combiné :
1. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 8 pt
2. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 20 pt
3. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 27 pt
4. Fabio Aru (ITA, Astana) 29 pt
5. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 46 pt
6. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 84 pt
7. Jérôme Cousin (FRA, Team Europcar) 88 pt
8. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 103 pt
9. Amets Txurruka (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 109 pt
10. Bert-Jan Lindeman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 113 pt
Classement par équipes :
1. Team Sky (GBR) en 93h49’38 »
2. Movistar Team (ESP) à 3’59 »
3. Astana (KAZ) à 4’04 »
4. Team Katusha (RUS) à 11’30 »
5. Caja Rural-Seguros RGA (ESP) à 13’23 »
6. Lotto-Soudal (BEL) à 14’23 »
7. Etixx-Quick-Step (BEL) à 14’36 »
8. Trek Factory Racing (USA) à 14’54 »
9. Cofidis (FRA) à 17’15 »
10. Team Europcar (FRA) à 17’26 »