Un Tour de France consiste en une succession de hauts et de bas, dont l’intervalle d’un jour sur l’autre est plus ou moins prononcé, mais que les reliefs ont toujours pour fonction de souligner. Tel est l’usage prêté de tout temps à la montagne, chargée de passer au révélateur ceux qui, dans le verbe, nourrissent l’ambition d’accéder sur la marche culminante du podium des Champs-Elysées. Le chemin qui y mène est long, très long encore, tandis que la montagne partiellement entrevue mercredi dans le Massif central s’élève pour de bon. Et qu’elle ne quittera presque plus le champ de vision des coureurs avant la veille du défilé parisien… dans quinze jours ! D’ici là, l’eau aura bien eu le temps de couler sous les ponts de la Seine, et les émotions de changer de camp dans un Tour de France qui livre ses indications au compte-gouttes sans qu’il ne soit encore permis de ranger les favoris dans un ordre qui se tienne.
La montagne, à l’entame d’une triologie pyrénéenne dont l’intensité ira crescendo tout le week-end, se résumait aujourd’hui en un col, celui d’Aspin, gravi depuis Arreau par son versant le plus long : 12 kilomètres à 6,5 %. Un premier haut… immédiatement suivi d’un bas, puisque pour différer un hypothétique coup de grâce il avait été décrété que le décor d’arrivée serait planté au Lac de Payolle, 7 kilomètres après le sommet. Instinctivement, cette configuration avait de quoi réfréner les ardeurs des favoris, ce qui en sus les arrangeait bien si loin encore de la capitale, quand on sait que sept étapes de montagne (pour quatre arrivées en altitude) et deux contre-la-montre restent à venir. Depuis sa longue escapade dans les monts du Cantal il y a quarante-huit heures, Greg Van Avermaet (BMC Racing Team) portait donc un maillot jaune intérimaire dont chacun s’accommodait. A commencer par le Flamand lui-même, qui n’allait pas se contenter de son bon petit matelas (5’11 ») pour franchir en gestion le col d’Aspin.
L’étape était partie sur les chapeaux de roue dans les plaines du Gers et de la Haute-Garonne, nombre d’opportunistes cherchant à intégrer l’échappée probablement destinée à se disputer la victoire d’étape. Le coup finissait par sortir à 115 kilomètres de l’arrivée, porté par vingt-neuf coureurs aux premiers rangs desquels le Maillot Jaune en personne ! Avec Greg Van Avermaet, on relevait la présence de Breschel, Howes et Langeveld (Cannondale), Bakelants et Vuillermoz (Ag2r La Mondiale), Bozic, Mate et Navarro (Cofidis), Cancellara et Stuyven (Trek), Chavanel et Duchesne (Direct Energie), Durasek et Grmay (Lampre), Lutsenko et Nibali (Astana), Cummings (Dimension Data), Geschke (Giant), Impey (Orica), Gorka Izagirre (Movistar), Kiryienka (Sky), Martens (LottoNL), Tony Martin (Etixx), Naesen (IAM Cycling), Périchon (Fortuneo), Roelandts (Lotto), Vicioso (Katusha) et Voss (Bora-Argon 18).
Thibaut Pinot s’éteint sur les hauteurs du col d’Aspin.
Il y avait là à coup sûr le vainqueur de la première étape pyrénnéenne. Il y avait là surtout un prodigieux Van Avermaet, embarqué pour la deuxième fois en trois jours dans une folle aventure qui allait lui permettre d’accentuer son avance au classement général ! Car si en soi le temps est une valeur subjective, on pouvait presque lire, sur la route du Tour, l’avance dont disposait le Belge au classement général puisque c’est doté de cinq minutes qu’il atteignait le pied du col d’Aspin avant le peloton. Déjà, le groupe auquel il appartenait dans la longue portion sans relief des Hautes-Pyrénées avait commencé à se disloquer. Et c’est Steve Cummings qui avait le mieux anticipé en ressortant, d’abord avec Breschel, Duchesne et Navarro, puis seul à l’abord des 27 derniers kilomètres. L’Anglais allait résister aux assauts de Vincenzo Nibali pour franchir l’Aspin en tête et s’en aller cueillir un nouveau succès d’étape après celui de Mende l’an passé.
De son côté, Greg Van Avermaet s’était crânement accroché aux roues de Vincenzo Nibali, Daryl Impey et Daniel Navarro avant de lâcher prise à 14 kilomètres de l’arrivée pour défendre jusqu’au bout une 5ème place… et rajouter 1’25 » à sa faveur dans la course au maillot jaune. Ce qui repousse à présent son suivant immédiat, Julian Alaphilipe (Etixx-Quick Step), de 6’36 » ! Si elle tend progressivement à devenir britannique (déjà quatre victoires d’étape pour le clan anglais de Dimension Data), l’histoire est belge. A ce propos, l’arche gonflable indiquant le dernier kilomètre en a joué une bonne au peloton encore conséquent – quarante coureurs – en s’affaissant juste après le passage du Maillot Jaune pour obstruer la route. Sans autre conséquence qu’un coup d’arrêt définitif du paquet qui, passé les boudins crevés qui agonisaient sur la chaussée, rejoignait la ligne en roue libre en se disant sans doute qu’il l’avait échappée belle. Car il s’en était fallu de peu que la flamme rouge lui tombe sur la tête.
De flamme, il n’y en avait déjà plus dans le regard de Thibaut Pinot (FDJ). Bien avant l’arche qui allait s’effondrer, il s’était éteint sur les hauteurs du col d’Aspin. A 4 kilomètres du sommet. Un revers pour le Franc-Comtois, dont l’équipe avait imposé son rythme au pied du premier col des Pyrénées, avant de s’effacer. Le peloton, à peine secoué par quelques démarrages furtifs, dont l’un de Julian Alaphilipe sur les hauteurs d’Aspin, avait alors gravi la difficulté sans qu’aucune équipe n’en prenne la direction. Rien ne semblait mettre un favori en péril. Même Alberto Contador (Tinkoff), encore affaibli il y a deux jours par les séquelles de ses chutes, tenait les roues. Mais Pinot avait les jambes coupées et son nom s’effaçait progressivement du tableau des favoris. Une défaillance chiffrée à 2’46 » au Lac de Payolle. Reste à savoir si les hauts à venir sauront rattraper ce bas. Car le Tour, répétons-le, est encore long.
Demain samedi, la huitième étape reliera Pau à Luchon (184 km) par le Tourmalet, la Hourquette d’Ancizan, Val Louron-Azet et Peyresourde.
Classement 7ème étape :
1. Steve Cummings (GBR, Dimension Data) les 162,5 km en 3h51’58 » (42,0 km/h)
2. Daryl Impey (AFS, Orica-BikeExchange) à 1’05 »
3. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) m.t.
4. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 2’14 »
5. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) à 3’04 »
6. Luis-Angel Mate (ESP, Cofidis) à 4’29 »
7. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) m.t.
8. Wout Poels (PBS, Team Sky) m.t.
9. Gorka Izagirre (ESP, Movistar Team) m.t.
10. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) m.t.
Classement général :
1. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) en 34h13’40 »
2. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 6’36 »
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 6’38 »
4. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 6’39 »
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 6’42 »
6. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) m.t.
7. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) m.t.
8. Pierre Rolland (FRA, Cannondale-Drapac) m.t.
9. Daniel Martin (IRL, Etixx-Quick Step) m.t.
10. Fabio Aru (ITA, Astana) m.t.
Classement par points :
1. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) 204 pt
2. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 182 pt
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 175 pt
4. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 112 pt
5. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 90 pt
6. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 89 pt
7. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 74 pt
8. Edward Theuns (BEL, Trek-Segafredo) 64 pt
9. Michael Matthews (AUS, Orica-BikeExchange) 57 pt
10. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) 53 pt
Classement de la montagne :
1. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 13 pt
2. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 13 pt
3. Steve Cummings (GBR, Dimension Data) 10 pt
4. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) 8 pt
5. Daryl Impey (AFS, Orica-BikeExchange) 6 pt
6. Jasper Stuyven (BEL, Trek-Segafredo) 5 pt
7. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 5 pt
8. Andriy Grivko (UKR, Astana) 5 pt
9. Jan Barta (TCH, Bora-Argon 18) 4 pt
10. Yukiya Arashiro (JAP, Lampre-Merida) 3 pt
Prix de la combativité :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana)