Il était devenu il y a peu le doyen des vainqueurs du Tour de France après le décès de Ferdi Kübler le 29 décembre dernier, Roger Walkowiak s’est à son tour éteint à 89 ans, chez lui dans l’Allier. L’antonomase (comprenez un nom propre se transformant en nom commun) qui lui collait à la peau depuis sa victoire sur la Grande Boucle en 1956 ne rendait pas franchement justice au Montluçonnais. Un Tour à la Walko désignait depuis au mieux un vainqueur-surprise, ayant surgi de nulle part, totalement inattendu. Au pire, un second couteau projeté en pleine lumière le temps d’une saison, d’un mois, d’une épreuve.
C’est que ce fils d’immigrant polonais avait vécu une aventure singulière sur la Grande Boucle 1956. Le meilleur des années Bobet est passé, les années Anquetil restent à venir et cette édition se cherche, sans le trouver, son véritable patron. Sans homme fort à sa tête, le Tour connaît sans doute la plus grande sensation de son histoire. Membre d’une échappée fleuve de trente-et-un coureurs arrivée avec 18 minutes d’avance sur la 7ème étape reliant Lorient à Angers, Roger Walkowiak endosse alors le maillot jaune. Deux semaines et demie plus tard, il le ramène au Parc des Princes pour s’offrir la plus belle ligne de son palmarès qui comprend en outre une 2ème place au Critérium du Dauphiné en 1955 derrière Louison Bobet, une 2ème place à Paris-Nice en 1953 et deux étapes du Tour d’Espagne en 1956 et 1957.
« Un Tour à la Walko, cela voulait dire en réalité un Tour animé, riche en attaques, sans vraiment de leader », se plaisait à répéter l’intéressé. En tout cas, Roger Walkowiak n’est en rien un vainqueur au rabais comme certains commentaires le laissent parfois sous-entendre. L’histoire oublie parfois que le coureur de Montluçon a fait preuve d’une formidable abnégation pour retrouver son maillot jaune, lors d’une étape Turin-Grenoble remportée par Charly Gaul, après l’avoir cédé dans les Pyrénées. On ne se retrouve pas au palmarès de la plus grande course au monde, coincé entre deux légendes (Louison Bobet, vainqueur de son dernier en Tour en 1955 et Jacques Anquetil, lauréat de sa première Grande Boucle en 1957) par hasard.
Jamais Roger Walkowiak n’aura su renouer avec le succès tel qu’il l’a connu en ce mois de juillet 1956, avec une fin de carrière écourtée en raison de blessures diverses et d’une santé parfois fragile. C’est en 1960 qu’il pend le vélo au clou de manière définitive pour retrouver en toute humilité le métier de fraiseur pour lequel il avait été formé. Plus de soixante ans après son moment de gloire, Roger Walkowiak avait gardé sa modestie intacte. Il s’en est allé ce mardi 7 février et laisse à Federico Bahamontes, 4ème du Tour 1956, la place de doyen des vainqueurs du Tour de France.