Depuis qu’on a écourté l’interminable avenue de Grammont, maintenue pour site d’arrivée mais avec pas loin de 3000 mètres de moins, Paris-Tours n’offre plus tout à fait le parfait terrain d’expression qu’il représentait autrefois aux yeux des sprinteurs. La dernière grande classique de la saison, bien que n’appartenant plus au cercle restreint des épreuves du WorldTour, réunit autant de mercenaires que de finisseurs, et la balance pencherait autant pour les premiers que pour les seconds. A condition cependant de bien s’y prendre, dans cette course de 235,5 kilomètres qui s’élance de Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir) sous un ciel couvert, mis en mouvement par un vent favorable, ce qui prédit une allure rapide dans la plaine de la Beauce. Elle le sera, avec une moyenne horaire de 48,629 km/h à l’arrivée dans Tours.
Les mercenaires, disions-nous, peuvent tout à fait tirer leur épingle du jeu d’un parcours plat pour l’essentiel, mais dont les trois côtes placées dans les 30 derniers kilomètres et l’approche sinueuse de la cité tourangelle offrent autant d’alternatives à une arrivée massive. Mais en démarrant après 2 kilomètres seulement, c’est bien plus qu’un coup de poker que tente le champion de France du contre-la-montre Sylvain Chavanel (Omega Pharma-Quick Step), rejoint par son ami et coéquipier Jérôme Pineau au cœur d’une échappée de onze hommes que complètent Karsten Kroon et Michael Morkov (Team Saxo Bank-Tinkoff Bank), Laszlo Bodrogi (Team Type 1-Sanofi), Koen De Kort (Argos-Shimano), Arnaud Gérard (FDJ-BigMat), Michael Hepburn (Orica-GreenEdge), Wilco Kelderman (Rabobank), Gatis Smukulis (Team Katusha) et Yannick Talabardon (Saur-Sojasun). La première tentative d’échappée s’avère être la bonne.
Bien entendu, quand on écrit la bonne, on sous-entend celle qui fera l’animation le plus clair de la journée… à défaut de penser à celle qui ira au bout. Car avec 4’50 » d’avance au mieux, on ne donne pas cher de la peau des onze de tête face à un peloton qui s’organise tout doucement. D’ailleurs, devant l’enjeu, le groupe de tête se dissout. Plusieurs éléments sautent et avant la traversée des collines tourangelles on ne trouve plus qu’un candidat pour insister devant le peloton. Echappé depuis le matin, le Danois Michael Morkov, dont les qualités d’attaquant insatiable s’étaient révélées au grand jour sur les routes du dernier Tour de France, insiste seul à 37 kilomètres de l’arrivée. Les autres sont tous revus par un peloton agité duquel vont soudainement sortir sept coureurs, lancés à la poursuite du dernier échappé matinal.
Ces attaquants qui se manifestent peu avant la côte de Crochu sont Julien Bérard (Ag2r La Mondiale), Laurens De Vreese (Topsport Vlaanderen-Mercator), Marco Marcato (Vacansoleil-DCM), Laurent Pichon (Bretagne-Schuller), Niki Terpstra (Omega Pharma-Quick Step) et Sébastien Turgot (Team Europcar). Et ces sept-là tiennent entre leurs mains le destin de la course, prête à basculer définitivement en faveur des attaquants. Dans le peloton en effet, on tarde à colmater la brèche, de l’ordre d’une demi-minute. Cisaillé par diverses chutes sur les routes étroites qui annoncent l’enchaînement des côtes de Beau Soleil et de l’Epan, le paquet semble bien en peine de revenir sur les échappés de la dernière heure. Et l’on voit même les sprinteurs, Adam Blythe (BMC Racing Team) d’abord, John Degenkolb (Argos-Shimano) ensuite, perdre leur sang-froid et se lancer seuls, les uns après les autres, en chasse du groupe de tête.
Ce groupe, justement, s’est lui aussi étiolé dans les dernières difficultés. Une attaque de Marco Marcato à 10 kilomètres du but, à laquelle ont su répondre Laurens De Vreese et Niki Terpstra, a défini le podium de ce 106ème Paris-Tours. Ne reste plus qu’à attribuer la bonne marche aux trois coureurs qui se présentent en tête sur les 800 mètres rectilignes de l’avenue de Grammont, à peine pressés par le retour tonitruant – mais insuffisant – de John Degenkolb et d’un peloton morcelé. Au sprint, Marco Marcato prend sa revanche. Battu par Greg Van Avermaet dans la même configuration de course il y a un an, l’Italien prend le dessus sur le Belge De Vreese et le Néerlandais Terpstra pour remporter à 28 ans la classique des feuilles mortes et contester encore une fois aux sprinteurs l’occasion de se mesurer dans la toute dernière classique de la saison.
Classement :
1. Marco Marcato (ITA, Vacansoleil-DCM) les 235,5 km en 4h50’34 » (48,6 km/h)
2. Laurens De Vreese (BEL, Topsport Vlaanderen-Mercator) m.t.
3. Niki Terpstra (PBS, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
4. John Degenkolb (ALL, Argos-Shimano) à 6 sec.
5. Laurent Pichon (FRA, Bretagne-Schuller) à 12 sec.
6. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) m.t.
7. Björn Leukemans (BEL, Vacansoleil-DCM) m.t.
8. Jonathan Hivert (FRA, Saur-Sojasun) à 19 sec.
9. Jens Keukeleire (BEL, Orica-GreenEdge) m.t.
10. Zdenek Stybar (TCH, Omega Pharma-Quick Step) m.t.