C’est la dernière trouvaille des organisateurs du Tour, dans un massif jurassien encore trop peu exploré quand il regorge pourtant de merveilles montagneuses. La Planche des Belles Filles a tout pour séduire, ne serait-ce que par son nom charmeur, qui ne doit tromper personne. Les Belles Filles de Haute-Saône sont cruelles, 5,9 kilomètres à 8,5 %, et un final à la verticale spécialement créé pour le Tour de France. C’est un truc pour les grimpeurs, enfin, mais les grimpeurs sont diminués. Hier la grande majorité d’entre eux a pris un coup physique qui va de l’hématome à la suspicion de fracture et un coup moral qui se chiffre à 2’05 ». La hanche et la jambe gonflées, Ryder Hesjedal (Garmin-Sharp) ne repartira pas de Tomblaine (Meurthe-et-Moselle), où l’on assiste ce matin à un véritable bal des estropiés et à un défilé de corps meurtris, bandés et emballés.
Des grimpeurs amoindris le jour où le Tour change de braquet, c’est là tout le paradoxe de cette édition qui semblait déjà ne pas trop vouloir d’eux. L’étape qui s’enfonce dans le parc naturel des Ballons des Vosges représente pourtant la première occasion pour eux de prendre du temps aux rouleurs, de contester une stratégie que tout le monde devine à l’avance, celle d’un Team Sky déterminé à imposer son rythme dans la dernière difficulté. Après une semaine en jaune, Fabian Cancellara (RadioShack-Nissan) doit passer la main aujourd’hui. Son second au général, c’est Bradley Wiggins (Team Sky). Le Britannique au dossard 101 n’aura dès lors qu’à contenir ses adversaires pour cueillir la tunique de lumière et s’approprier les bises des autres Belles Filles, celles du podium. A ses contradicteurs d’être inspirés, mais le parcours ne s’y prête pas vraiment, les deux ascensions préliminaires se situant trop loin du pied de la montée finale.
Bien que les chances de réussite d’une échappée soient plus palpables que les autres jours, la bagarre ne dure pas davantage de temps que sur les étapes de plaine. Après 15 kilomètres, sept coureurs prennent la tangente avec le consentement du gros de la troupe : Michael Albasini (Orica-GreenEdge), Dimitriy Fofonov (Astana), Cyril Gautier (Team Europcar), Christophe Riblon (Ag2r La Mondiale), Luis-Leon Sanchez (Rabobank), Chris-Anker Sörensen (Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) et Martin Velits (Omega Pharma-Quick Step). Leur avance culminera à 5’55 », le peloton gardant un œil attentif sur les écarts, trahissant très tôt son intention de revenir sur les sept de tête. La Planche des Belles Filles est la première des trois arrivées en altitude de ce Tour, la moins compliquée peut-être, mais les favoris expriment leur envie de se mesurer.
En direction des Belles Filles, les Sky se mettent à la planche.
Albasini, Fofonov, Gautier, Riblon, Sanchez, Sörensen et Velits sont repris à 5 kilomètres de l’arrivée, au moment où la route s’élève, quittant le plancher des vaches à Plancher-les-Mines pour disparaître à travers les sapins perchés le long d’une route aux pourcentages irréguliers. C’est le moment pour les favoris de montrer ce qu’ils ont dans le ventre. Mais déjà tous ne participeront pas au combat. Avant même le premier round, Jurgen Van Den Broeck (Lotto-Belisol) sur ennui mécanique et Alejandro Valverde (Movistar Team) sur crevaison sont éjectés du peloton. Ils entament l’un comme l’autre un sprint derrière le paquet mais, au moment où le Team Sky déploie son train et hausse l’allure, ils n’en reverront jamais la couleur. Voilà Van Den Broeck repoussé de 1’50 » vis-à-vis des favoris, Valverde de 2’17 » de plus qu’hier. De là à nourrir des regrets, peut-être pas, car ils n’auraient sans doute pas fait mieux en étant resté au contact du peloton.
En direction des Belles Filles, les Sky se mettent à la planche. Michael Rogers d’abord, Richie Porte ensuite, Chris Froome enfin. Calé dans la roue de ses lieutenants successifs, Wiggins donne ses directives et régule le train à sa convenance. Et sa convenance n’est déjà plus celle de Levi Leipheimer (Omega Pharma-Quick Step), premier lâché parmi les favoris et repoussé de 3’11 ». C’est aussi la fin des illusions pour Andreas Klöden (RadioShack-Nissan), qui perd 2’19 » quand Frank Schleck (RadioShack-Nissan), auquel il avait été préféré hier dans le final, ne rend que 1’09 » – mais c’est déjà 1’09 » de trop sur son terrain d’expression. Denis Menchov (Team Katusha) lâche 50 secondes, Samuel Sanchez (Euskaltel-Euskadi) 1’31 », Michele Scarponi (Lampre-ISD) 2’05 », Robert Gesink (Rabobank) 2’53 », Jérôme Coppel (Saur-Sojasun) 3’03″…
Des écarts bien plus importants que ceux attendus. Et des dégâts considérables puisque seuls Cadel Evans (BMC Racing Team), Vincenzo Nibali (Liquigas-Cannondale) et Rein Taaramae (Cofidis) auront été en mesure de suivre jusqu’au bout le rythme fracassant de Chris Froome, pour Bradley Wiggins. Aussi remonté que rassurant après sa défaite sur chute hier, Pierre Rolland (Team Europcar) se sera accroché à ces cinq-là jusqu’à 2 kilomètres du but, au moment où Chris Froome entre en action. Le Français cédera 46 secondes. Il serait dans le Top 10 ce soir sans sa chute hier. La course à l’élimination a donc commencé. Ni Evans, ni Nibali, ni Taaramae n’étant capables de provoquer les Sky, ils s’accrochent aussi loin que possible pour assister à la prise de pouvoir de Bradley Wiggins, nouveau Maillot Jaune, et au succès insolent de Chris Froome, qui trouve encore la force de gagner l’étape après les efforts abattus !
Demain dimanche, la huitième étape offrira de grandes opportunités aux attaquants entre Belfort et Porrentruy (157,5 km).
Classement 7ème étape :
1. Chris Froome (GBR, Team Sky) les 199 km en 4h58’35 » (40,0 km/h)
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 2 sec.
3. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) m.t.
4. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 7 sec.
5. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 19 sec.
6. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack-Nissan) à 44 sec.
7. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 46 sec.
8. Janez Brajkovic (SLO, Astana) m.t.
9. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) à 50 sec.
10. Maxime Monfort (BEL, RadioShack-Nissan) à 56 sec.
Classement général :
1. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) en 34h21’20 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 10 sec.
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 16 sec.
4. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 32 sec.
5. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) à 54 sec.
6. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack-Nissan) à 59 sec.
7. Maxime Monfort (BEL, RadioShack-Nissan) à 1’09 »
8. Nicolas Roche (IRL, Ag2r La Mondiale) à 1’22 »
9. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 1’32 »
10. Michael Rogers (AUS, Team Sky) à 1’40 »
Classement par points :
1. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 217 pt
2. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) 185 pt
3. Andre Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 172 pt
4. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) 129 pt
5. Alessandro Petacchi (ITA Lampre-ISD) 109 pt
6. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 95 pt
7. Tom Veelers (PBS, Argos-Shimano) 76 pt
8 Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Nissan) 74 pt
9. Kenny-Robert Van Hummel (PBS, Vacansoleil-DCM) 69 pt
10. Juan-José Haedo (ARG, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 68 pt
Classement de la montagne :
1. Chris Froome (GBR, Team Sky) 20 pt
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 16 pt
3. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 12 pt
4. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 9 pt
5. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) 8 pt
6. Chris-Anker Sörensen (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 4 pt
7. Rein Taaramae (EST, Cofidis) 4 pt
8. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) 2 pt
9. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 2 pt
10. David Moncoutié (FRA, Cofidis) 2 pt
Classement de la combativité :
1. Luis-Leon Sanchez (ESP, Rabobank)
Classement des jeunes :
1. Rein Taaramae (EST, Cofidis) en 34h21’52 »
2. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 2’37 »
3. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) à 2’41 »
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 3’35 »
5. Gorka Izaguirre (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 3’38 »
6. Rafael Valls (ESP, Vacansoleil-DCM) à 4’44 »
7. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 8’19 »
8. Davide Malacarne (ITA, Team Europcar) à 8’20 »
9. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 9’08 »
10. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) à 11’39 »
Classement par équipes :
1. Team Sky (GBR) en 103h05’23 »
2. RadioShack-Nissan (LUX) à 1’37 »
3. Team Katusha (RUS) à 5’54 »
4. Liquigas-Cannondale (ITA) à 6’16 »
5. BMC Racing Team (USA) à 7’08 »
6. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 7’22 »
7. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 7’57 »
8. Ag2r La Mondiale (FRA) à 10’53 »
9. Vacansoleil-DCM (PBS) à 11’22 »
10. Cofidis (FRA) à 11’34 »