Franck, vous aurez 36 ans le 10 avril, vous commencez votre carrière chez les pros à un âge où d’autres l’arrêtent, n’est-ce pas étrange ?
Si, bien sûr. J’ai surtout saisi l’opportunité que m’offrait l’équipe Véranda Rideau-U. Mais j’essaie de faire abstraction de l’âge et de vivre ces moments dans la peau d’un coureur pro au maximum.
Vous avez été une figure incontournable du peloton amateur mais le grand public ne vous connaît pas encore. Quel a été votre parcours ?
J’ai fait quinze ans chez les amateurs. J’ai bourlingué un peu dans toute la France. Mais je n’ai jamais vraiment eu de contact avec le peloton pro. Mickaël Leveau et Johnny Neveu m’ont fait confiance. Je vais essayer cette année de faire au mieux pour leur retourner cette confiance.
Quelles activités occupiez-vous durant cette période amateur ?
Il y a des années où je ne faisais que du vélo, d’autres où je travaillais à côté, d’autres où j’étais à Pôle Emploi. J’ai fait un peu de tout. J’ai été dans la vie réelle, et ça n’a rien à voir avec la vie des pros. La vie réelle, c’est se lever tôt le matin pour bosser et pouvoir manger. Je sais ce que c’est de se lever à six heures et demie, de rentrer à sept heures le soir, de ne pas voir ses gamins. Ça m’aide à me rendre compte aujourd’hui de la chance que j’aie d’être coureur professionnel. Ça ne me dérange pas du tout de me lever le matin pour aller rouler. Faire du vélo, c’est le pied. Ce n’est pas tous les jours facile mais il faut relativiser. Il y a des vies bien plus dures.
Comment se fait-il que vous n’ayez jamais eu de contact avec le milieu pro par le passé ?
Je l’ignore, je n’étais peut-être pas assez mûr. Il se trouve que je passe pro cette année parce que l’équipe amateur dans laquelle j’évoluais est montée d’un niveau, sans quoi je n’aurais jamais eu de contact. Je ne serais jamais passé pro. Mieux vaut tard que jamais.
Durant votre long séjour chez les amateurs, aviez-vous déjà côtoyé des courses d’un tel niveau ?
J’ai fait beaucoup de courses 1.2 et 2.2 comme le Tour de Normandie, les Boucles de la Mayenne. Ce sont des courses qui roulent vraiment vite. Mais même chez les amateurs, le niveau est assez élevé. La différence, on la verra peut-être au fil de la saison mais pour l’instant la transition s’est bien passée. Ce n’est que le début de la saison, à voir ensuite sur des courses de plus de 200 kilomètres. Evidemment, il y aura un palier à franchir. Nous nous entraînons pour, on essaiera d’être homogènes à l’avant.
A près de 36 ans, vous n’avez pas de temps à perdre et vous n’en avez pas perdu puisque vous avez déjà terminé 2ème de l’Etoile de Bessèges, seulement battu par Jérôme Coppel…
Je me suis entraîné tout l’hiver pour être au niveau. J’ai terminé 2ème d’une étape derrière Pierre Rolland, ce qui était déjà une bonne chose. 2ème du général dans la foulée d’un bon contre-la-montre, c’est encore mieux. Maintenant, on va essayer de gagner des courses parce que des places de 2ème, on les collectionne. Il faut passer à autre chose.
Serez-vous l’auteur du premier succès de l’équipe Véranda Rideau-U ?
Peut-être pas moi personnellement, mais nous avons des coureurs qui sont capables de gagner au niveau professionnel. Nous allons tout faire pour les encadrer. Personnellement je suis plus équipier, capitaine de route. Je peux dépanner en tant que leader sur quelques courses, comme je l’ai fait à Bessèges, sachant que je vais bien sur les chronos. Mes ambitions seront surtout que l’équipe passe un cap et soit au niveau.
Après quinze ans chez les amateurs, votre programme va considérablement changer, ça doit booster le moral ?
Mentalement c’est une bonne opportunité. Je vais pouvoir disputer toutes les Coupes de France et une course comme Paris-Camembert, que je vais voir depuis tout petit. Je vais courir des épreuves qu’on regarde d’ordinaire à la télé. Des courses qui m’ont toujours attiré : les Quatre Jours de Dunkerque, le Circuit de la Sarthe… Etre dans le peloton me fait vivre des moments très heureux.
Vous seriez-vous vu finir votre carrière sans avoir goûté au professionnalisme ?
C’était bien parti pour, mais on a rectifié le tir juste avant de terminer ! Quand j’étais jeune, c’était forcément un rêve de passer pro, mais ça faisait maintenant des années que je n’y pensais plus. C’est vraiment un concours de circonstances qui m’a permis de réaliser ce rêve des années plus tard. L’équipe me fait confiance, c’est qu’elle a ses raisons. Je ne suis pas là par hasard.
Vous n’aurez sans doute pas une longue carrière chez les pros, combien d’années vous sentez-vous capable d’accomplir à ce niveau ?
J’aimerais bien pouvoir courir chez les pros deux ou trois ans, histoire de ne pas dire que je suis passé chez les pros le temps d’une saison et que je n’y avais pas le niveau. Cette année, ça va être une année d’apprentissage, d’adaptation, dans l’espoir de pouvoir encore progresser l’an prochain.
A 36 ans, on peut encore progresser ?
Ce n’est pas une question d’âge. Tout ça, c’est dans la tête. Tant que physiquement ça va, on peut progresser. C’est curieux d’ailleurs. Dans les années que l’on qualifie de meilleures années pour un coureur, quand j’avais 27-28 ans, j’étais loin de mon meilleur rendement. C’est peut-être pour ça que je progresse encore aujourd’hui. Je le vois même dans les temps que je signe en contre-la-montre. Je réalise des performances que je n’avais encore jamais accomplies. C’est la preuve qu’on peut progresser à tout âge.
Propos recueillis au Château d’Olonne le 16 février 2012.