A la fin du mois de mai, Vélo 101 part à la découverte du cyclisme polynésien et d’une cyclosportive qui commence à faire référence dans le Pacifique, la Ronde Tahitienne, dont la 3ème édition aura lieu le dimanche 1er juin autour de Pirae. A l’occasion de la plus belle manifestation cycliste de Tahiti, qui fait cette année son entrée au calendrier national FFC, c’est une quinzaine tahitienne que nous vous ferons vivre du 26 mai au 8 juin. Parrain de l’événement à sa création en 2011, Bernard Thévenet garde un souvenir indélébile de l’expérience cycliste qu’il lui a été donné de vivre à Tahiti. Il en demeure un ambassadeur fasciné.
Bernard, vous avez découvert en 2011 la première cyclosportive polynésienne, baptisée la Ronde Tahitienne. A quoi vous attendiez-vous ?
Quand son organisateur Benoît Rivals m’a annoncé qu’il allait créer cette cyclosportive à Tahiti, je lui ai dit : « si tu as 100 à 150 engagés, c’est déjà bien ». Il y en a eus 253 pour la 1ère édition ! Je ne pensais pas qu’autant de monde pratiquait le vélo dans les îles. Or il y a en Polynésie un beau réservoir de coureurs. J’ai rencontré notamment Paul Bonno, un ancien pistard. Les Tahitiens sont d’ailleurs logiquement davantage destinés à faire de la piste que de la route. Ils sont musclés, lourds, et n’ont pas la morphologie pour s’attaquer aux cols. En revanche, je pense qu’avec des moniteurs et une piste comme celle du vélodrome de Pirae on peut certainement y former de bons sprinteurs.
En quoi a consisté votre rôle de parrain ?
Je me suis rendu à Tahiti pour courir l’épreuve et réaliser quelques opérations médiatiques afin de faire la promotion de l’événement mais aussi la promotion du cyclisme auprès des jeunes. J’étais accompagné d’autres personnalités comme Jimmy Casper, qui était encore coureur professionnel, et Henri Sannier. Nous sommes allés dans les écoles de cyclisme. Je me souviens qu’il y avait des jeunes qui apprenaient à faire du vélo tandis que d’autres se débrouillaient déjà très bien. Nous sommes également allés faire de la promotion à Bora-Bora dans le cadre d’un tour de l’île à vélo que nous avons réalisé avec des cyclistes de l’île. Nous avons ainsi essayé du mieux possible de faire connaître le cyclisme et ses bienfaits sur les îles où nous sommes passés, et donner l’envie de courir pour que ces jeunes puissent un jour venir se frotter aux Européens.
Comment avez-vous perçu le cyclisme tahitien ?
Les moyens ne sont pas les mêmes que dans les clubs français. Dans les écoles de cyclisme, on trouve très peu de vélos de route. Les gamins roulent principalement à VTT. Mais ce qui est important c’est que les jeunes se fassent plaisir. Certains étaient très adroits sur leur machine. Quand nous avons fait le tour de Bora-Bora, sur un parcours qui comprenait de petits obstacles de type BMX, certains n’avaient jamais fait de vélo. Ils étaient vraiment heureux et fiers d’en faire. On sentait énormément de bonheur dans les yeux de ces enfants. Maintenant, le vélo n’est pas tellement reconnu à Tahiti, où le football prime, tout comme les courses de va’a, les fameuses pirogues polynésiennes. Là-bas, c’est le sport national !
Vous avait fait partie en 2011 des 253 pionniers de la Ronde Tahitienne, qui longe la côte est de Tahiti sur 15, 55 et 110 kilomètres. Que vous a inspiré le parcours ?
C’est assez particulier car à Tahiti il n’y a qu’une route qui fait le tour de l’île et pratiquement pas de route qui la traverse ! La cyclo se déroulant un dimanche matin, il n’y a donc pas beaucoup de circulation, encore moins sur cette côte est de l’île. Au départ de Papeete, les trois parcours se disputent sur la même route, en bordure de l’océan. On fait simplement demi-tour au bout de 10, 25 ou 55 kilomètres. Personnellement j’étais parti pour faire le moyen parcours sur 55 kilomètres mais arrivé à la bifurcation des 25 kilomètres, le demi-tour en fait, je me suis dit que je pouvais faire le grand parcours. Ça faisait une éternité que je n’avais pas fait 110 bornes à vélo ! Il y avait deux bosses très dures pour rentrer mais pour le reste c’était tranquille. Je suis tombé sur un couple de métropolitains qui travaillaient à l’hôpital de Papeete. Ils faisaient du vélo tranquillement et je suis revenu avec eux.
Vous avez découvert une organisation nouvelle. Vous qui avez un œil expert en la matière, comment avez-vous estimé celle de la Ronde Tahitienne ?
C’est une très belle organisation. Maintenant, il ne faut pas aller à Tahiti avec ses yeux d’Européen et penser organiser une cyclosportive comme on le fait en Europe. S’il faut s’en inspirer, il faut garder en tête que les mentalités sont différentes et ne pas chercher à copier. Toutefois, quel que soit l’endroit où l’on organise, le point numéro un reste la sécurité. Et en cela j’ai trouvé qu’elle était optimale. Bon, dans les pelotons, comme dans beaucoup de cyclos en France, il faut parfois rappeler qu’on n’est pas là pour faire la course. Et que la route ne nous est pas réservée…
Quels conseils donneriez-vous aux cyclosportifs qui désireraient rejoindre Tahiti fin mai pour y allier cyclisme et tourisme ?
C’est une découverte. Quand on va là-bas, il faut y aller au moins une dizaine de jours pour bien en profiter, parce que le voyage est long ! On n’y va pas pour un week-end ! Mais c’est tellement beau, il y a tellement de choses à visiter. C’est un voyage extraordinaire qui mêle tous les plaisirs. On peut prendre son vélo et aller visiter l’île. A la rigueur un VTT est peut-être plus adapté pour visiter certains endroits de Tahiti car certains chemins sont cahoteux. On peut venir avec son vélo de route mais il faut reconnaître que sur la route, c’est le cas de le dire, on a vite fait le tour ! Il n’y a pratiquement que le tour de l’île à faire. L’idéal si on veut faire des balades à l’intérieur des terres, c’est de louer un VTT sur place.
C’est la première fois que vous vous rendiez à Tahiti. Au-delà de l’événement cycliste, qu’est-ce qui vous a fasciné ?
D’abord la couleur des eaux, des paysages exceptionnellement beaux. Si on aime faire de la plongée – je n’en suis pas un adepte personnellement – il y a vraiment de très belles choses à voir. En arrivant à Bora-Bora avec l’avion, il y a de ces couleurs sur la mer, c’est quelque chose de magnifique. J’ai assisté à des entraînements de pirogues mais il faut voir les courses ! L’engouement que cela suscite est extraordinaire. J’ai aussi été marqué par le caractère des gens, qui sont tranquilles, pas stressés. C’est « cool » !
D’un point de vue plus personnel, vous aviez été victime d’un malaise cardiaque il y a un an. En quoi consiste aujourd’hui votre activité cycliste ?
Je roule toujours un petit peu, à raison de deux fois par semaine quand il fait beau. Après mon infarctus il y a un an on m’a posé deux stents. Depuis tout va très bien. Je suis suivi tous les trois mois. Simplement, lorsque je fais du vélo, il faut que je mette un cardiofréquencemètre. Je ne dois pas dépasser 135 pulsations. C’est tout de même une contrainte parce que dès qu’on force un peu dans une bosse, on y arrive vite, mais le tout est de savoir être sage et ça se passe très bien.
Propos recueillis le 14 mars 2014.