On a observé les favoris du Tour de France dans les rues bondées du centre-ville de Liège samedi, guetté les puncheurs dans la bosse pimentée de Seraing dimanche, voilà qu’une autre catégorie de champions doit logiquement faire son entrée en scène aujourd’hui. Les sprinteurs, on parle de ceux qu’on qualifie de purs, savaient qu’il ne leur serait guère donné l’opportunité de se frotter les uns aux autres avant cette deuxième étape. Tous avaient visé Tournai, au départ de la Cité de l’Oie. Ce midi, un dernier café… liégeois (ou chocolat, c’est selon) descendu, on quitte pour de bon les alentours de la cité hôte du Grand Départ du Tour 2012. Direction la France ou presque, puisque cette deuxième étape Visé-Tournai (207,5 km) s’arrêtera 10 kilomètres avant la frontière, histoire d’honorer une dernière fois la Belgique et son accueil incroyable.
De la Meuse à l’Escaut, cette étape commence tel un long fleuve tranquille. La première attaque sera encore la bonne, mais elle intervient plus tard qu’hier, après 22 kilomètres à allure pacifique. Celui qui déterre la hache de guerre, c’est Anthony Roux (FDJ-BigMat), un attaquant que les observateurs s’étonnent de voir à l’œuvre. Hier soir, le Lorrain a rejoint son hôtel tardivement, principale victime des premières chutes qui ont marqué les corps. Sa blessure de guerre, lui l’exhibe sous son gant gauche. L’auriculaire a pris un mauvais coup, lequel lui a valu une visite de l’hôpital de Liège, où les radios ont calmé son anxiété. Si le doigt est contusionné, il n’est pas fracturé. Pour autant, nul besoin d’avoir le petit doigt cassé pour souffrir. Le bandage qui lui enserre la main n’adoucit pas sa peine. Et les giratoires, rétrécissements et ralentissements à répétition lui indiquent le chemin à prendre. Tant qu’à souffrir, autant que ce soit devant !
Kilomètre 22, v’la donc Anthony Roux ! Ceux qui ont reçu l’ordre de mission de montrer le maillot, Christophe Kern (Team Europcar), ou de le défendre, Michael Morkov (Team Saxo Bank-Tinkoff Bank), saisissent le bon filon. Ils se lancent à la poursuite du Français. Trois hommes sont échappés dans cette longue étape toute plate, dont l’unique difficulté consiste à prendre la Citadelle de Namur (2,1 km à 4,5 %), haut-lieu du cyclisme wallon, dont les petits pavés secouent tout du long les mécaniques et ceux qui les montent. Devant, certes, mais blessé, ne l’oublions pas, Anthony Roux doit soulager sa main gauche. Dans un Tour de France où les prouesses s’admirent à tous les échelons, le Lorrain gravit la délicate ascension cahoteuse sur une main. En haut de la Citadelle, Michael Morkov n’a guère de souci à se faire et ajoute des pois à son maillot.
Livré à lui-même, Mark Cavendish flaire les bonnes roues et trouve son chemin.
Après deux jours d’une belle intensité, et avant une entrée sur le territoire français qui nous fait déjà grandement saliver, par les Monts du Boulonnais, le peloton s’offre une première journée de répit. La consigne semble avoir été passée dans toutes les équipes. Pas question de prendre de risques inutiles sur des routes jonchées de pièges. Grâce à la sage attitude du peloton, on ne dénombrera pas de chute importante, tant mieux. Tant mieux aussi pour Christophe Kern, Michael Morkov et Anthony Roux. L’état d’esprit de leurs poursuivants leur permet de creuser l’écart. Il atteindra huit minutes, pas loin du double de ce qu’avait réussi à prendre Michael Morkov, déjà dans le coup hier, avec ses cinq compagnons de fugue du moment. Mais ça restera largement insuffisant pour laisser entrevoir une once d’espoir aux trois hommes de tête. Puis à Anthony Roux tout seul puisque le Lorrain fait du zèle en s’isolant à 32 kilomètres du but.
Mais voilà déjà la cavalerie ! Après une longue apathie, le peloton se met dans la course. L’allure s’accélère brusquement à 25 kilomètres de l’arrivée et le dernier rescapé de l’échappée du jour, Anthony Roux, doit rendre les armes avec les honneurs à 14 kilomètres de Tournai. Là, ce sont encore les Lotto-Belisol qui, sur leurs terres belges, plus près des Flandres mais toujours en Wallonie, prennent les choses en main. Pour Andre Greipel. Peu d’équipes ont rejoint le Tour avec un effectif dédié à leur sprinteur, livrés à eux-mêmes ou presque pour la plupart. A commencer par Mark Cavendish (Team Sky), qui renvoie au vestiaire les deux seuls poissons-pilotes qui lui ont été alloués dans un groupe déterminé à ramener le maillot jaune à Paris dans trois semaines. Deux coéquipiers ou rien, se dit le champion du monde, c’est du pareil au même…
A chacun maintenant de flairer les bonnes roues à prendre. Et du flair, Mark Cavendish n’en manque pas. De la roue d’Oscar Freire (Team Katusha) il bondit sous la flamme rouge dans celle de Matthew Goss (Orica-GreenEdge) pour saisir ensuite celle de Greg Henderson (Lotto-Belisol) et revenir se placer dans le sillage d’Andre Greipel. Ce sera déterminant. Quand le sprint est lancé par le train Lotto-Belisol, que Greipel est lâché tel un fauve vers la ligne blanche, le porteur du maillot arc-en-ciel fournit son effort et déborde soudain. C’est un sprint de costauds certainement pas acquis à la cause de l’Anglais. Mais Cavendish a ce truc à part dans les étapes du Tour de France et met à profit les 10 derniers mètres de l’étape pour sauter son adversaire. Il fallait viser juste ! A Tournai, Cavendish empoche son vingt-et-unième bouquet sur le Tour. Le premier vêtu du maillot arc-en-ciel. En jaune, lui, le Suisse Fabian Cancellara (RadioShack-Nissan) aura profité du calme du jour… annonciateur d’une sacrée tempête demain !
Demain mardi, le Tour fera son entrée en France entre Orchies et Boulogne-sur-Mer (197 km).
Classement 2ème étape :
1. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) les 207,5 km en 4h56’59 » (41,9 km/h)
2. Andre Greipel (ALL, Lotto-Belisol) m.t.
3. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
4. Tom Veelers (PBS, Argos-Shimano) m.t.
5. Alessandro Petacchi (ITA, Lampre-ISD) m.t.
6. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) m.t.
7. Yauheni Hutarovich (BLR, FDJ-BigMat) m.t.
8. Juan-José Haedo (ARG, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) m.t.
9. Mark Renshaw (AUS, Rabobank) m.t.
10. Tyler Farrar (USA, Garmin-Sharp) m.t.
Classement général :
1. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Nissan) en 10h02’31 »
2. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) à 7 sec.
3. Sylvain Chavanel (FRA, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
4. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 10 sec.
5. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 11 sec.
6. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) à 13 sec.
7. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) m.t.
8. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 17 sec.
9. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 18 sec.
10. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) m.t.
Classement par points :
1. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 78 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) 63 pt
3. Fabian Cancellara (SUI, RadioShack-Nissan) 55 pt
4. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) 52 pt
5. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 42 pt
6. Andre Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 42 pt
7. Philippe Gilbert (BEL, BMC Racing Team) 33 pt
8. Mark Renshaw (AUS, Rabobank) 31 pt
9. Tom Veelers (PBS, Argos-Shimano) 26 pt
10. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 25 pt
Classement de la montagne :
1. Michael Morkov (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 4 pt
2. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 1 pt
3. Pablo Urtasun (ESP, Euskaltel-Euskadi) 1 pt
Classement de la combativité :
1. Anthony Roux (FRA, FDJ-BigMat)
Classement des jeunes :
1. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) en 10h02’41 »
2. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 1 sec.
3. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 12 sec.
4. Wouter Poels (PBS, Vacansoleil-DCM) à 14 sec.
8. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) m.t.
6. Artur Vichot (FRA, FDJ-BigMat) à 24 sec.
7. Dominik Nerz (ALL, Liquigas-Cannondale) à 27 sec.
8. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 37 sec.
9. Tony Gallopin (FRA, RadioShack-Nissan) à 42 sec.
10. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 43 sec.
Classement par équipes :
1. Team Sky (GBR) en 30h08’07 »
2. RadioShack-Nissan (LUX) à 4 sec.
3. BMC Racing Team (USA) à 6 sec.
4. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 13 sec.
5. Garmin-Sharp (USA) à 23 sec.
6. Liquigas-Cannondale (ITA) à 30 sec.
7. Orica-GreenEdge (AUS) à 33 sec.
8. Team Katusha (RUS) à 38 sec.
9. Ag2r La Mondiale (FRA) à 42 sec.
10. Vacansoleil-DCM (PBS) à 50 sec.