Si on dit souvent du Cauberg qu’il est le jardin de Philippe Gilbert (BMC Racing Team), c’est un peu vite oublier que d’autres coureurs apprécient particulièrement la difficulté décisive de l’Amstel Gold Race. Car l’Amstel, c’est aussi, un peu, LA course d’Enrico Gasparotto (Wanty-Groupe Gobert). Hormis un titre de champion d’Italie en 2005 et une étape de Tirreno-Adriatico en 2010, sa victoire au sommet du Cauberg en avril 2012 restait encore à ce jour l’unique coup d’éclat d’une carrière débutée en 2005. Mais, même si l’Italien n’avait jamais été en mesure de répéter son exploit lors des dernières éditions, il ne s’est pas écoulée une année sans qu’il ne soit pas dans le coup, 9ème en 2013, 8ème en 2014 et 2015. Aujourd’hui, quatre ans après sa dernière victoire en date, le Sicilien réalise l’authentique exploit de remporter l’Amstel une deuxième fois.
Le succès de l’Italien, déjà 2ème de la Flèche Brabançonne mercredi après un bon Tour de Catalogne, n’est en rien dû au hasard. C’est lui qui se montre indéniablement le plus costaud dans la dernière escalade du Cauberg, endroit plus que jamais décisif depuis le remaniement du parcours. Le déplacement du Fromberg et du Keutenberg, remplacés par les nettement moins raides Geulhemmerberg et Bemelerberg dans la boucle finale, ont contribué une nouvelle fois à cadenasser la course. Repoussées à plus de 30 kilomètres de l’arrivée, les deux difficultés aux forts pourcentages (22 % pour le Keutenberg au plus fort de la pente) n’incitent pas les outsiders à tenter leur chance aussi loin de l’arrivée.
Cet attentisme aura au moins le mérite d’être bénéfique à Matteo Bono (Lampre-Merida), Laurens De Vreese (Astana), Alex Howes (Cannondale), Matteo Montaguti (Ag2r La Mondiale) et Lawrence Warbasse (IAM Cycling). Les cinq hommes qui constituaient l’échappée du jour avec Giacomo Berlato (Nippo-Vini Fantini), Josef Cerny (CCC Sprandi Polkowice), Tom Devriendt (Wanty-Groupe Gobert), Laurent Didier (Trek-Segafredo), Fabien Grellier (Direct Energie) et Kevin Reza (FDJ) ont ainsi pu résister jusqu’à l’entame des 15 derniers kilomètres malgré un avantage ayant à peine dépassé les 4 minutes.
Il faut dire que les Orica-GreenEdge avaient tout mis en œuvre pour favoriser les desseins de Michael Matthews, 2ème à Valkenburg l’an dernier. Une semaine après la victoire-surprise de Mathew Hayman à Paris-Roubaix, un succès à l’Amstel aurait été la cerise sur le gâteau. La route semblait dégagée pour le sprinteur australien puisque quelques-uns des favoris sont absents du paquet qui se présente au pied de la dernière montée du Cauberg. Philippe Gilbert et Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) ont cédé dans le Keutenberg. Michal Kwiatkowski (Team Sky) a lâché prise dans l’avant-dernière montée du Cauberg. Joaquim Rodriguez (Team Katusha) n’aura même pas participé aux débats, pris dans une chute avant le final. Tout semblait se dérouler selon leurs plans jusqu’à ce que la machine s’enraye brusquement à 8 kilomètres de l’arrivée.
Alors qu’ils menaient le peloton depuis de longs kilomètres, les Orica-GreenEdge s’éclipsent soudainement dans le final. Toutes les cartouches ont été grillées et Tim Wellens (Lotto-Soudal) voit alors une opportunité se présenter. Comme il l’a fait par le passé à Liège-Bastogne-Liège ou au Tour de Lombardie, le Belge anticipe et se présente au pied du Cauberg avec une grosse dizaine de secondes d’avance. Les pentes de la colline qui surplombe Valkenburg sont impitoyables. Le leader de l’équipe Lotto-Soudal coince tandis qu’Enrico Gasparotto surgit de l’arrière.
Sans Philippe Gilbert pour dynamiter le peloton comme le Belge avait l’habitude de le faire à chacune de ses participations depuis 2010, la montée du Cauberg offre un visage presque inédit. Elle permet cependant à Enrico Gasparotto d’afficher ses ambitions. Si le Sicilien franchit le sommet seul en tête, il est rapidement suivi par Michael Valgren (Tinkoff), ancien double vainqueur de Liège-Bastogne-Liège Espoirs. Grâce à son expérience, le puncheur de Wanty-Groupe Gobert laisse rentrer le jeune Danois et l’invite à travailler sur la portion de 1800 mètres qui permet de rejoindre l’arrivée. Les deux hommes résistent au retour du peloton et grâce à sa pointe de vitesse, Enrico Gasparotto devance aisément Valgren. Une victoire surprise qu’il ne manque pas de dédier à son coéquipier Antoine Demoitié, décédé trois semaines plus tôt.
Classement :
1. Enrico Gasparotto (ITA, Wanty-Groupe Gobert) les 248,7 km en 6h18’03 » (39,4 km/h)
2. Michael Valgren (DAN, Tinkoff) m.t.
3. Sonny Colbrelli (ITA, Bardiani-CSF) à 4 sec.
4. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) m.t.
5. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.
6. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) m.t.
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) m.t.
8. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) m.t.
9. Loïc Vliegen (BEL, BMC Racing Team) m.t.
10. Tim Wellens (BEL, Lotto-Soudal) m.t.