Anna, personne ou presque ne te connaissait, on peut dire que tu as marqué les esprits, comment as-tu préparé ton coup?

Certainement que le moment décisif pour ma victoire au Ventoux et ma place de 2ème au général final a été mon attaque très tôt dans l’étape l’Isle-sur-la-Sorgue vers le Mont Ventoux. Je n’avais pas préparé mon attaque de cette façon, ça a été une décision spontanée, parce que le peloton avançait trop lentement à mon goût. Ma préparation pour un Tour comme ça est passée par beaucoup de longues montées, car il me paraissait que l’étape du Ventoux serait décisive. Quand notre échappée a atteint le Ventoux, il m’apparaissait que j’étais la seule à pouvoir maintenir le rythme et tenir jusqu’au sommet sans que le peloton me revoie.

 

Beaucoup de lecteurs nous ont demandé sur quel braquet et en combien de temps avais-tu monté le Ventoux?

J’avais une cassette de 32, et un plateau de 34. En fait, je n’ai pas utilisé les rapports extrêmes sur la plus grande partie du Ventoux, seulement sur les passages les plus raides. Je préfère avoir toujours de la marge, plutôt que monter trop gros, car j’aime mouliner, en général au delà de 80 tours/minute. Je suis montée en 1h17′ depuis la ligne en marbre, le km 0, mais on a été assez lentement au pied, avant que je ne me mette à mon rythme et que je lâche les autres échappées. A noter que Edwige Pitel, qui a mis 1h05 à partir du virage de Saint Estève, entre 225 et 230 watts, avait 36 X 28.

Avec un jour de recul, quels sont tes sentiments après ce Tour Cycliste féminin où tu finis 2ème?

Je suis extrêmement heureuse et soulagée. Je savais que j’étais en bonne forme et ma plus grosse angisse était qu’un fait imprévu n’arrive: malade, chute, problème mécanique, …..Je suis très contente d’avoir pu démontrer que j’avais fait la bonne préparation pour le Mont Ventoux. Gagner cette étape c’était comme un rêve, un moment que je n’oublierai jamais. Même si j’ai perdu le maillot rose le lendemain, ma deuxième place au final est bien au delà de ce que je pouvais imaginer.

Penses-tu qu’avec une équipe à ta dévotion, tu aurais pu l’emporter? (on rappellera que tu étais au milieu d’une équipe composée par l’organisateur avec une équipière qui visait le maillot de leader des rushs!, et une seule « vraie » équipière Alice Coob, la petite anglaise que tout le monde du vélo va bientôt envier).

J’ai eu un support fantastique de la part de mon équipe, mixte certes, elles sont allées au delà d’elles-mêmes pour m’aider et ont en partie sacrifié leur résultat pour moi, ce qui dans une équipe composée « à la va vite » n’est pas gagné d’avance! Je leur dois beaucoup. C’est vrai qu’en terme de nombre nous étions un peu désavantagées, et peut-être que sur l’étape après le Ventoux (celle du Mont Lozère) on aurait pu reprendre l’échappée si on avait eu plus d’équipières à mener devant. Mais on ne refait pas la course, surtout avec des Si…mais…

Tu as gagné le coupe d’Espagne 2016, quelle différence de niveau as-tu constaté sur cette course forcément plus internationale, plus relevée, et à étapes qui plus est?

Peut-être que le souci principal a été la taille du peloton. En coupe d’Espagne, c’est plus facile de rester devant et contrôler la course. Évidemment le niveau du Tour Cycliste féminin est supérieur, il y a une densité plus importante de coureuses très fortes, mais les meilleures en coupe d’Espagne, même si elles sont moins connues sont très fortes, elles-aussi, je pense à Mavi Garcia et Lorena Llamas, en particulier.

 

 

 

On a entendu différents commentaires sur cette 14ème édition, quel message souhaiterais-tu faire passer aux organisateurs pour une 15ème encore plus belle?

J’adore cette course. Il n’y a rien que je puisse déplorer. Pour moi, évidemment, la course en circuit urbain, le premier jour est un cauchemar, car j’ai peur de chuter quand ça frotte trop….Mais je comprends qu »il en faut pour tout le monde. Les autres étapes étaient géniales, avec beaucoup de terrains variés, les arrivées au sommet étaient superbes, et le Mont Ventoux fantastique, bien sûr. ça pourrait être encore mieux avec plus de montées longues à l’avenir, supérieures à une heure.

 

Au vu de cette expérience sur quels domaines penses-tu devoir progresser? tactique? placement? leadership? Autres?

Je pense avoir fait beaucoup de progrès sur pas mal d’aspects, tous les aspects mentionnés et spécialement le placement en tête de peloton. J’ai aussi pas mal progressé dans mon aptitude à souffrir sur le vélo et appris beaucoup sur mon corps, des aspects qui vont beaucoup m’aider sur les futures épreuves par étapes.

 

L’Espagne et la coupe d’Espagne vont devenir trop petites pour toi, quelles équipes te font rêver pour quel programme?

Je n’ai pas arrêté complètement ma position pour l’année prochaine donc je ne vais pas le faire ici. Je veux trouver une équipe qui me permette de progresser et où je ne me crame pas à courir uniquement pour une leader et rien d’autre.

 

Même question mais avec un angle différent, tu es multi-culturelle, multi-langues, quel pays te fait rêver en matière de vélo, de cyclisme féminin, de programmes d’épreuves?

Je n’ai pas encore couru dans tous les pays de vélo, bien sûr! Je pense que la France, l’Espagne et l’Italie proposent une bonne variété de terrains de jeu et un climat adapté pour l’entraînement et bavec de très belles épreuves. Mais j’aime aussi beaucoup la mentalité Allemande qu’on trouve en Autriche, en Suisse et Anglaise en termes de préparation, ils sont très méticuleux et analysent tous les paramètres, même si ça peut paraître comme un cliché.

 

 

 

Tu as manqué les JO pour représenter l’Autriche, prétends-tu ou aurais-tu pu prétendre aux championnats d’Europe, voire aux championnats du monde au Quatar?

Le plus probable pour moi est que la fin de saison a sonné. C’est comme ça que je l’avais anticipé et mon corps a besoin de récupérer. Par ailleurs, je dois aussi tenir compte du fait que j’ai ma thèse de mathématiques à terminer pour cet automne.